Lettre d’une retraitée (CGT FAPT) à Mr Macron

Le comité relaie une lettre pleine de « bon sens  » de la part d’une retraitée qui analyse la posture présidentielle:

 

Mme CASA Marianne

Manosque le 14 avril 2020

 

Monsieur le Président de la République Française,

 

Comme des millions de français, j’ai écouté très attentivement votre allocution d’hier soir.

Il n’y a pas à dire ; vous êtes, sans conteste, un « beau parleur ». Il y avait beaucoup d’émotion dans votre discours. Par moments, j’aurais presque pleuré devant votre si généreuse compassion pour tous les citoyens français.

Ce matin à mon réveil, j’avais une idée en tête : je me devais de vous répondre après toute cette attention que vous m’avez portée, car j’ai été personnellement saisie par toutes vos louanges à mon égard, votre regard droit dans les yeux à travers mon écran de télévision.

J’ai cependant tenu, avant de commencer mon courrier, à vous réentendre afin de ne rien oublier.

Vous avez commencé en vous préoccupant du sort des plus démunis : ceux qui habitent dans des logements exigus, qui sont victimes de violences, qui sont isolés comme beaucoup de personnes âgées, handicapées ou malades.

Mais je ne vous ai pas entendu faire de propositions concrètes pour eux. Pas un mot sur la proposition de la Caisse Centrale d’Action Sociale gestionnaire des activités sociales des salariés des industries électriques et gazières (CCAS) qui a mis à disposition l’ensemble de ses centres de vacances (45, soit 10 000 lits) auprès du ministère de la santé pour venir en aide aux sans-abris et à ceux qui doivent être protégés car le confinement chez eux est dangereux.

Vous avez ensuite encensé les corporations qui sont en première ligne aujourd’hui grâce à l’engagement desquelles la vie peut continuer. Vous avez cité les fonctionnaires en omettant cependant tous les contractuels qui travaillent aujourd’hui dans ces services publics devenus des entreprises. Je pense notamment aux postiers et aux agents d’Orange dont la majorité sont aujourd’hui des contractuels dans le meilleur des cas, car ils peuvent être aussi intérimaires, intermittents (mais pas du spectacle), sous-traitants voire sous-traitants de sous-traitants (sans doute parce que j’étais moi-même fonctionnaire des PTT quand j’avais la chance de travailler avant de partir en retraite pour incapacité / invalidité du fait des complications de ma maladie chronique).

Mais je ne vous ai pas entendu faire de propositions concrètes pour eux : rien pour leur garantir tout de suite la fourniture de matériel, de véritable protection pour ne pas attraper le virus, ni le transmettre.

Pas un mot sur cette entreprise de fabrication de masques à Plaintel dans les Côtes d’Armor fermée en 2018 car pas assez « rentable » Vous êtes resté sourd aux courriers que vous ont adressés les salariés et, en 2018, l’usine a fermé ses portes. Les machines dévolues au stock de l’Etat français (l’usine était le plus gros producteur d’Europe), dont certaines étaient quasi neuves, ont été vendues au prix de la ferraille, puis détruites. La plus grosse industrie française du masque FFP2 (jusqu’à 200 millions de masques par an) disparaissait.

Rien non plus sur des augmentations substantielles de salaires qui pourraient être financées par la solidarité (et pas la « charité ») des milliardaires de notre pays par exemple en exigeant le non versement des dividendes. Pourtant, avec les « pleins pouvoirs » que vous avez fait voter par vos amis, rien ne vous empêche de le faire : vous avez bien su faire adopter par ordonnances la possibilité de travailler 60 heures par semaine sans que cela semble vous poser de problème.

Vous avez après fait part de la préparation insuffisante de notre pays en rajoutant cependant « comme tous les pays du monde ». Et vous avez rajouté qu’il y avait désormais une mobilisation pour produire et acquérir du matériel, comme en temps de « guerre ».

Mais je ne vous ai pas entendu faire de propositions concrètes pour cela : y aura-t-il priorité absolue pour les salariés en « première ligne » ? Et pour les autres ? Avez-vous réquisitionné toutes les entreprises en capacité de produire de quoi sauver des vies humaines comme l’entreprise Luxfer à Gerzat en Auvergne qui fabriquait jusqu’en 2019 des bouteilles d’oxygène et qui a été fermée car pas suffisamment « rentable » : les ouvriers, qui ont veillé leurs machines depuis la fermeture sont disposés à reprendre le travail immédiatement avec un plan de reprise, présenté et connu par votre ministre de l’économie et des finances.

Vous affirmez ensuite que vous tirerez toutes les conséquences en temps voulu.

Mais je ne vous ai pas entendu faire de propositions concrètes pour les tirer immédiatement. Et là, j ‘ai repensé au film de François RUFFIN : « Merci Patron », rediffusé récemment à la télévision. Et j’ai compris que vous restiez fidèle à votre classe, celle des riches où l’argent coule à flots.

Vous avez annoncé une date à partir de laquelle le déconfinement pourrait commencer pour certaines activités : le 11 mai.

Mais je ne vous ai pas entendu faire de propositions concrètes pour équiper déjà ceux qui sont toujours en première ligne quand ils ne sont pas malades et en soins, ni pour tester ceux qui seraient porteurs du virus et risqueraient de contaminer les autres. Sans doute n’avez-vous pas entendu les acteurs de terrain que vous proposez par ailleurs d’écouter… Sans préciser quand, préférant laisser la parole aux énarques et experts en tous genres qui, eux, sont rarement sur le terrain.

Mais je ne vous ai pas entendu non plus faire de propositions concrètes pour la reprise d’activités : quelles activités ? Celles essentielles à la vie du pays ou celles permettant au « grand » patronat de se reconstituer des fortunes sans considération pour les vies humaines ? Fabriquer des voitures, des avions ou des armes est-il vraiment essentiel à la survie du pays aujourd’hui ? Commander des bombes lacrymogènes actuellement est-il un besoin vital ? Vous dites que vous ferez appel aux partenaires sociaux, mais vous avez jusqu’ici refusé d’établir, en concertation avec eux, la liste des activités essentielles au pays, ce qui a pourtant été fait dans d’autres pays européens.

« Si la sécurité est bien garantie, les entreprises peuvent produire » avez-vous affirmé ! Mais avez-vous vérifié que toutes celles en activité aujourd’hui assurent la sécurité de leurs salariés ? Vous êtes-vous rendu chez Amazone, comme un de ses salariés vous y invite dans une vidéo, pour mesurer les conditions sanitaires existantes ?

Mais je ne vous ai pas entendu faire de propositions concrètes de tests pour les enfants et les enseignants avant la réouverture des crèches, des écoles, des collèges et des lycées. Peut-être parce que le virus touche moins les jeunes (cependant les enseignants ne le sont pas tous). A moins qu’il n’y ait pas de risques à rassembler des enfants dans les garderies, classes, cantines scolaires, centres aérés, alors qu’ils devront rester sagement confinés en dehors de ces établissements.

Mais il est vrai que vous avez parlé de tester dès le 11 mai tous ceux qui auront des symptômes et donc qui seront, selon toute vraisemblance, porteurs du virus… Peu avant, vous aviez annoncé l’organisation la plus large de tests pour les ainés, les plus fragiles (maladies chroniques ?), les soignants.

Mais je ne vous ai pas entendu faire de propositions concrètes pour cela. Et d’ailleurs, ils viennent d’où et quand tous ces tests ?

Vous en avez profité pour proposer la mise en place d’une application anonyme et sur la base du volontariat pour suivre les personnes atteintes et prévenir ceux qui les approchent. Pour cela vous annoncez votre volonté que les assemblées puissent en débattre car « l’épidémie ne doit pas affaiblir la démocratie ». Avez-vous déjà oublié qu’alors que vous aviez réuni un conseil des ministres sur le Covid 19, il en est ressorti l’utilisation du 49-3 pour la réforme des retraites ? De quelle démocratie parlez-vous donc ?

Pour l’enseignement supérieur, il n’y aura pas de reprise de cours. Les décisions seront données ultérieurement pour les examens et les concours.

Mais je ne vous ai pas entendu faire de propositions concrètes pour :

  • Augmenter le nombre d’étudiants en médecine et dans le paramédical dès la prochaine rentrée
  • Mettre en place des concours de fonctionnaires avec des centaines de milliers d’emplois à combler et créer

Concernant les malades atteints de pathologies chroniques, vous proposez qu’ils continuent à se soigner en même temps que vous annoncez leur confinement au-delà du 11 mai. Pour les maisons de retraite, vous proposez les visites des familles ayant un malade en fin de vie, mais rien pour ceux qui seraient « bien portants ».

Mais je ne vous ai pas entendu faire de propositions concrètes pour permettre cela sans risque, pour ceux qui se déplacent, de contaminer les autres ou de l’être eux-mêmes.

Vous avez parlé de mesures de financement renforcées pour 8 millions de salariés et les entreprises. Pour les entreprises, vous parlez des charges, (qui sont en fait du salaire socialisé reversé par l’employeur aux caisses de Sécurité Sociale pour la santé, les retraites, le chômage), des traites, des loyers, des emprunts en expliquant que vous allez demander aux banques de décaler les échéances. Cela part d’un bon sentiment, mais la seule « garantie » que vous avez faite a consisté à dire que les assurances doivent être au RDV et que vous y seriez attentif.

Pour le secteur du tourisme, les « charges » seront annulées.

Il est prévu aussi le versement d’une aide exceptionnelle sans délai pour les plus démunis.

C’est le conseil des ministres qui devrait décider des aides et des moyens. Sur quelle base ? Quel sera le poids des petites entreprises par rapport à celles cotées au CAC 40 ?

Avant de terminer, vous avez dit « la nécessité de rebâtir une économie forte, de rebâtir notre indépendance agricole, industrielle et technologique ».

Mais je ne vous ai pas entendu faire de propositions concrètes pour venir en aide à l’entreprise Farma Lyon à Saint Genis Laval, en redressement judiciaire et en attente d’un repreneur. Pourtant dès le mois de septembre 2019, les organisations syndicales proposaient à la ministre de la santé Agnès Buzyn de produire certains médicaments en rupture sur le marché français. Mais cette lettre ainsi que celle adressée début mars 2020 au nouveau ministre de la santé, Olivier Véran, sont restées sans réponse, sans doute ce que vous appelez « le dialogue social » !

Vous avez affirmé la nécessité d’élaborer un plan pour la santé, pour la recherche, pour les ainés. Vous avez proclamé que « notre pays tient tout entier sur des hommes et des femmes que nos économies rémunèrent si mal ». Vous nous avez exhorté à « sortir des sentiers battus et des idéologies existantes », faisant ainsi appel à une union sacrée.

Mais je ne vous ai pas entendu faire de propositions concrètes en ce sens, car vous, vous n’avez pas oublié votre idéologie, celle du capital et de l’argent.

Pour terminer, vous nous avez promis de « retrouver des jours heureux », faisant référence au programme du Conseil National de la Résistance mis en place à la fin de la 2ème guerre mondiale.

Alors chiche et cela vous honorerait !

Alors décidez sans attendre, dans l’esprit des héros des jours heureux, de :

  • Retirer votre projet de réforme des retraites et ouvrir de véritables négociations sur cette question
  • La nationalisation sous monopole public de tous les services indispensables à la vie : santé, EPAHD, recherche, eau, énergie, communication, transports, finances, éducation, banques, médicament, grande distribution, ….
  • L’augmentation immédiate et conséquente des salaires avec un écart maximum « raisonnable » (1 à 20 comme l’ont proposé des députés à l’assemblée nationale, proposition retoquée)
  • L’ouverture de concours de fonctionnaires avec des centaines de milliers de places dans toutes les fonctions publiques
  • Le renforcement du statut des fonctionnaires
  • La prise en charge des remboursements de soins de qualité dans leur intégralité : le 100 % imaginé par le CNR enfin réalisé.
  • La restauration de l’ISF, la chasse à l’évasion fiscale, la mise en place d’un véritable contrôle sur l’utilisation des fonds publics (tel le CICE) par les entreprises
  • L’arrêt de la fabrication des armes atomiques

Les moyens existent pour cela : pour citer seulement 2 exemples :

  • en 2018, 200 milliards d’Euros de dividendes ont été distribués en France, soit 10 % du PIB.
  • en 2019, le gouvernement a fait voter une loi de programmation militaire qui prévoit 37 milliards d’Euros sur 6 ans (le coût d’un missile nucléaire M51 = le coût de 150 scanners)

Vous seriez ainsi en cohérence avec vos dires : « sur le terrain, des solutions sont trouvées par des hommes et des femmes qui seront des forces pour le futur ». Ils ont été forces de propositions et le sont toujours, mais vous avez jusque-là refusé de les écouter, préférant les mépriser, les gazer, les maltraiter, les matraquer, les traiter « d’irresponsables ».

Le futur commence aujourd’hui !

VIVE LA REPUBLIQUE, à condition qu’elle ne soit pas « bananière »

VIVE LA FRANCE « D’EN BAS »

  • QUI CREE LA VERITABLE RICHESSE DU PAYS PAR SON TRAVAIL ET SON INTELLIGENCE
  • QUI SE DEVOUE POUR LE BIEN DE TOUS
  • QUI EST SOLIDAIRE ET SE SERRE LES COUDES FACE AU VIRUS

Une gueuse au grand cœur qui place l’HUMAIN au-dessus du fric, comme toutes celles et ceux que vous félicitez aujourd’hui et que vous n’avez pas hésité à malmener en des temps pas si lointains que ça.

Mme CASA Marianne
Petite fille et nièce de résistant-e-s et déportées

 

NB : malgré mon ignorance de la « chose politique » et de la gouvernance d’un pays, surtout en temps de crise telle que nous la vivons, je sais que vous ne pouviez en 25 minutes prendre le temps de tout expliquer et que vous êtes allés à l’essentiel, votre essentiel, celui de l’argent roi.

 

 

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