Le comité régional CGT Picardie relaie: campagne contre l ‘extrême droite
Certains ont pensé que le fait de laisser se développer l’institutionnalisation de l’extrême droite dans la vie politique française conduirait à un affaiblissement des violences et des discours les plus radicaux. Visiblement, ils se sont trompés ! Ce serait plutôt l’inverse.
Les thèmes portés par le Rassemblement national imprègnent le débat public, tandis que la violence d’extrême droite se radicalise de plus en plus ouvertement dans les paroles comme dans les actes. Les violences d’extrême droite couvrent un panel très large : des mots aux attentats en passant par le cyber-harcèlement et les tags… Petit tour d’horizon pas du tout exhaustif…
Parce qu’il y a toujours une composante identitaire (nationale, européenne, « civilisationnelle »…) à l’extrême droite, ce courant politique se fonde sur le rejet et la haine de ceux qui n’appartiennent pas à leur définition de la communauté. De là découlent deux phénomènes :
l’essentialisation, qui existe au-delà de l’extrême droite et qui réduit les individus à une seule de leurs caractéristiques et leur attribue à partir de là des opinions, des comportements ;
la déshumanisation, au travers des mots employés, mais aussi de dessins et très souvent avec le prétexte de l’humour qui aide à lever les inhibitions. Les minorités visées sont présentées comme fondamentalement différentes, comme des parasites, des monstres, des « sous-humains » dangereux. Cela atteint dans leur dignité les personnes ciblées (pensons à Valeurs actuelles comparant Christiane Taubira à un singe, ou la même chose vis-à-vis de joueurs de foot par des supporteurs racistes, mais c’est aussi l’image du Juif profiteur et dominateur, des musulmans qui soutiendraient ou prépareraient tous des attentats djihadistes ou des homosexuels assimilés à des pédophiles). Mais il y a un autre effet, sur les personnes non concernées : on s’habitue et on peut se laisser entraîner dans cette vision déshumanisante. Les Roms sont par exemple la catégorie qui suscite le plus une perception négative : on les voit comme ceux qui font mendier des enfants. Or si les enfants mendient dans la rue, c’est avant tout parce que les institutions refusent de les inscrire à l’école, que l’accès aux droits fondamentaux leur est dénié. La mise à mort par les nazis de millions de Juifs et Tziganes pour leur seule appartenance à ces catégories, le génocide des Tutsis par des extrémistes hutus ou celui des Arméniens au début du xxe siècle sont aussi le résultat de décennies de propagande, de discours et de caricatures contre eux, qui ont fini par « entrer dans la tête » de bien des gens.
LES PLUS FAIBLES TOUJOURS VISÉS
La déshumanisation et la haine se lisent particulièrement dans la volonté de viser des enfants (Fabien Engelmann, le maire d’Hayange, a fait distribuer dans les écoles à la Saint-Nicolas des petites saucisses au porc au lieu de bonbons) ou de laisser mourir (comme dans l’action de Génération identitaire dans les Alpes au printemps 2018 pour empêcher le passage de la frontière par des exilés).
Cette violence des mots, des discours, des images ne doit pas être minorée, car elle prépare et accompagne la violence physique et la radicalisation et se trouve sur toute la scène politique.
Les menaces et le harcèlement sont une autre étape, là aussi extrêmement difficiles à vivre. Trouver une croix gammée sur sa maison ou une lettre de menaces et d’insultes racistes dans sa boîte aux lettres quand on est Juif ou Musulman est extrêmement violent.
Les lieux de travail ne sont pas épargnés : cela va des pseudo-blagues dans les conversations aux tracts racistes anonymes, de la dégradation de casiers au harcèlement pur et simple.
Réagir est un impératif syndical : il ne faut pas hésiter à en faire part à son syndicat, voire à l’UL, l’UD ou la fédération, car ce sont parfois des situations délicates. La responsabilité de l’employeur dans la protection de la santé physique et mentale des salariés mais aussi dans la lutte contre les discriminations et le harcèlement doit être rappelée.
Les organisations qui défendent des positions opposées à celles de l’extrême droite ne sont d’ailleurs pas oubliées. 1er septembre 2019 au soir, les militants de l’UL d’Oullins dans le Rhône découvrent leurs locaux tagués d’une croix celtique et de l’inscription « la France aux Français ». En juin 2018, c’est l’UL des 5e et 9e arrondissements de Lyon qui est recouverte de près d’une vingtaine de croix celtiques
et les lettres « FAF », pour France aux Français. En janvier 2019, c’est à Vesoul que les locaux CGT sont ciblés, avec une croix gammée, le symbole SS et NSDAP, l’acronyme en allemand du parti nazi. Fin avril 2019, c’est le local de l’Unef de la fac de droit de Clermont-Ferrand qui est dégradé avec la signature « Bastion social ». En 2013, le planning familial de Bordeaux avait trouvé ses locaux recouverts d’affiches du Printemps français et de l’Action française, et l’année suivante du slogan « Assassins ». Des militants d’extrême droite peuvent être présents dans nos manifestations syndicales, parfois sous couvert de journalisme, parfois avec leur banderole politique. Cela appelle la vigilance.
Ces faits-là, surtout s’ils visent des particuliers, ne sont généralement rapportés qu’à la rubrique « faits divers » de la presse locale, quand ils sont rapportés tout court.
PEU DE VISIBILITÉ SUR LE PHÉNOMÈNE
Le phénomène est donc peu visible, peu étudié, les enquêtes n’aboutissent pas souvent. Il est donc important d’écouter et d’accompagner les victimes et de faire remonter les infos.
Parce qu’elle a travaillé sa stratégie et fait preuve d’un activisme important, l’extrême droite dans sa diversité domine aujourd’hui internet et les réseaux sociaux. Et sait en faire une arme. Pour l’illustrer, on peut citer quelques affaires de cyber-harcèlement récentes. Le dessinateur Marsault, publié par la maison d’édition Ring et qui est suivi par 272 000 personnes sur Facebook (soit 5 fois plus que la page CGT confédérale) a été condamné début 2019 pour incitation au cyber-harcèlement d’une jeune militante féministe et antifasciste qui s’était simplement réjouie de la fermeture de son compte par Facebook et avait reçu des centaines de messages insultants, dégradants, menaçants1. Pierre Serne, élu au conseil régional d’Île-de-France, s’est battu contre la suppression des réductions dans les transports pour les sans-papiers en 2016. La présidente de la région a dû réinstaurer cette réduction suite aux décisions de justice. Il est visé par des menaces à caractère homophobes et xénophobes de la part notamment des militants du site Réseau libre, des militants d’ultra-droite qui possèdent des armes et appellent au meurtre…
LA VIOLENCE AU CENTRE DE CERTAINS GROUPES
Si les croix gammées qui fleurissent ou les têtes de sangliers et de porcs devant une mosquée ne sont généralement pas traitées comme un fait politique, des violences plus grandes ne le sont pas vraiment plus. Il est impossible de faire la liste des personnes blessées dans des agressions racistes ou homophobes, mais il faut signaler qu’elles ne sont pas seulement le fait de groupes de l’extrême droite organisée. Néanmoins, la violence est au centre de certains groupes : l’ouverture du Bastion social à Strasbourg a été suivie le soir même d’une agression. Le centre de Lyon où l’on trouve des locaux de Génération identitaire, de l’Action française et du Bastion social est régulièrement le théâtre d’agressions et de dégradations, au point que le passage de Marche des fiertés a été refusé dans ces quartiers par les autorités. Récemment, à Nantes, une descente a eu lieu dans un bar pour « casser de l’antifasciste ». Il serait pourtant faux de croire que c’est un phénomène uniquement urbain.
Par ailleurs, plusieurs projets ou tentatives d’attentats ont vu le jour ces dernières années, parfois par des personnes seules, parfois autour de groupes dont c’était l’objet. Les dernières affaires ont été légèrement plus médiatisées que par le passé. Les militants de l’OAS (référence à l’organisation du même nom qui a mené des attentats contre l’indépendance de l’Algérie) arrêtés en 2017 ont été relâchés début 2019 (à l’exception de leur leader, Logan Nisin, 23 ans, passé par l’Action française et qui tenait une page Facebook à la gloire du suprémaciste norvégien Anders Breivik qui a tué 77 personnes en juin 2011, cité par le tueur de Christchurch et bien d’autres). Un autre groupe a fait l’objet d’une dizaine d’arrestations en 2018 pour avoir préparé des attentats contre les musulmans, AFO (Action des forces opérationnelles). Récemment, en juin 2019, c’est un diplomate de haut rang qui a été arrêté en lien avec ce groupe.
Ces quelques exemples donnent une idée des diverses manifestations de la violence d’extrême droite. D’Ibrahim Ali et Brahim Bouarram en 1995 à Clément Méric en 2013, il ne faut jamais oublier que l’extrême droite tue !
Mieux la connaître c’est mieux la combattre : faites-nous part des incidents et des initiatives syndicales, petits ou grands à campagnecontreleracisme@cgt.fr.
Fiche n° 19 – L’Extrême droite reste dangereuse