Les 120 coursiers constitués partie civile recevront entre 1000 et 4000 euros de dommages et intérêts.
Le verdict est sans appel : obligés de porter une tenue siglée, de suivre une formation, de ne pas sortir des zones de livraison attribuées, non libres de définir leurs tarifs, contrôlés et sanctionnés pendant leurs courses, les juges estiment qu’il existait bien un « lien de subordination permanent » entre Deliveroo et les livreurs dans l’organisation du travail mise en place par la société entre 2015 à 2017. Et que les livreurs doivent donc être qualifiés de salariés de Deliveroo, et non de travailleurs indépendants.
En contournant ses obligations d’employeur, la plateforme prive les travailleurs de leurs droits (protection sociale, respect du code du travail, salaire minimum, horaires de travail) a jugé le tribunal. Il qualifie ces agissements de «fraude sociales et fiscales », avec un manque à gagner pour l’État de 7 à 9 milliards d’euros de cotisations sociales par an. »
Partie civile aux côtés des livreurs, la CGT se félicite de cette victoire.
» Ce jugement est la première décision pénale en France sur l’ubérisation du travail et nous espérons qu’elle va susciter des revendications pour les travailleurs d’autres plateformes, moins visibles que les livreurs de repas », commente Fabrice Angei, secrétaire confédéral CGT.
Car si les livreurs de Deliveroo, Uber Eats, Getir et consorts « sont dans le radar, les travailleurs d’autres plateformes, qui accomplissent des tâches morcelées, seuls chez eux, dispatchés d’un pays à l’autre, payés au nombre de clics, sont invisibilisés, constate Fabrice Angei. Impossible de les rencontrer, de savoir combien ils sont, ni qui ils sont. Ce qui rend l’action syndicale difficile», poursuit l’expert des nouvelles formes d’emplois.
Directive européenne sur la présomption de salariat
Le verdict du procès Deliveroo peut permettre de toucher d’autres secteurs et de faire bouger les lignes. « La lutte contre l’ubérisation précarisant les travailleurs doit continuer», relève la CGT dans un communiqué du 19 avril.
«Le gouvernement français qui préside l’Union européenne jusqu’en juin doit prendre toute la mesure de cette condamnation et cesser de ralentir la transposition en droit français du projet de directive sur la présomption de salariat des travailleurs des plateformes», poursuit Fabrice Angei.
Les premières élections des représentants des travailleurs des plateformes qui se déroulent du 9 au 16 mai 2022, et doivent permettre de désigner leurs représentants pour négocier un socle de droits sociaux, sans sacrifier leur indépendance «sont importantes, même si elles sont ambigües puisque dans le fond, elles protègent le modèle des plateformes », note Fabrice Angéi.
La CGT a décidé d’y participer et est dès à présent en campagne pour représenter au mieux les livreurs et gagner, avec eux, de véritables acquis sociaux pour leurs conditions de vie et de travail.
Le phénomène des plateformes n’est qu’une des facettes de la démultiplication des formes de domination et d’exploitation liées au développement de l’économie numérique à travers le monde.
Plus que jamais, les syndicats sont nécessaires aux travailleurs et la CGT, qui représentera les livreurs pour la défense de leurs droits, salue la création du premier syndicat américain chez Amazon, géant de l’e-commerce, et historiquement opposé au syndicalisme.
Avec les élections professionnelles organisées du 9 au 16 mai 2022 par l’Autorité des relations sociales de plateformes d’emploi (ARPE, sous la tutelle du ministère du Travail), les livreurs pourraient enfin peser face aux plateformes.