La défense et le développement du transport public de marchandises par le rail est un enjeu crucial

À l’heure où les questions de dérèglement climatique imposent de prendre des mesures fortes pour la préservation de la planète et des populations, il est nécessaire de mettre en œuvre une politique de transport offensive pour l’intérêt général. Cela passe par le transport de marchandises par le fer via une entreprise publique dégagée de toutes contraintes économiques et des logiques de marché.

fret ferroviaire

Le fret ferroviaire : un enjeu de politiques publiques

La politique des transports est constitutive d’une politique d’aménagement du territoire, de développement économique, de cohésion sociale et environnementale. Choisir d’utiliser le fer pour transporter des marchandises permet le développement du tissu économique, qu’il soit agricole, industriel ou de services, avec l’implantation d’activités mieux réparties sur l’ensemble du territoire.

Le transport de marchandises par le fer, de proximité, est un facteur de cohésion et de désenclavement territorial.

Le transport ferroviaire peut et doit jouer un rôle majeur pour l’ambitieuse et nécessaire relance industrielle et agricole décarbonée en réduisant les émissions de gaz à effet de serre en conformité avec les objectifs du GIEC.

Le gouvernement a d’ailleurs annoncé vouloir doubler la part modale des marchandises transportée par le rail d’ici à 2030. Pourtant, ses actions sont loin d’être en adéquation avec son discours. Non seulement l’État concède au capital la construction de nouvelles autoroutes, au détriment des terres agricoles et zones naturelles, mais il accélère la mise à mort de l’outil public Fret SNCF.

En effet, il entend céder 30 % des marchés de Fret SNCF (l’intégralité de ses trains dédiés, c’est-à-dire des trains de marchandises affrétés par des chargeurs uniques dans des secteurs tels que la sidérurgie, la pétrochimie et le portuaire), 20 % de son chiffre d’affaires (soit près de 150 millions d’euros) et 10 % de ses effectifs (soit 500 emplois) à la concurrence.

Fret SNCF serait donc appelée à disparaître, au profit de deux nouvelles entités (une entreprise ferroviaire et une entreprise chargée de la maintenance), dont une partie du capital serait cédée à un tiers (privatisation).

Le fait que des acteurs privés prendront part aux décisions et orientations de la nouvelle entité est une véritable menace pour le transport de marchandises par le fer.

En effet, alors qu’il n’existe aucun moyen de contraindre des opérateurs économiques à choisir le transport de marchandises ferroviaire plutôt que le transport routier, comment empêcher un report modal inversé, c’est-à-dire le passage du rail vers la route ?

Le transport de marchandise par fer, victime du dogme libéral

Le démantèlement de Fret SNCF n’est que le dernier exemple d’une longue liste de décisions politiques catastrophiques. Depuis une trentaine d’années, le service public de transport de marchandises a subi de nombreuses attaques : plans d’économies massifs, ouverture à la concurrence nationale et internationale, démantèlement du groupe SNCF, abandon des activités rentables au profit de nouveaux concurrents, transformation en filiales de droit privé…

Les conséquences sont désastreuses. Des gares de triage et des lignes de fret ont été fermées, des raccordements d’entreprises au réseau ont été abandonnés, et 7 500 postes ont été supprimés depuis 2009, soit 63 % des effectifs, occasionnant une perte de compétence dramatique. La part modale du fret ferroviaire s’est effondrée.

Alors que le trafic de marchandises a augmenté de 80 % depuis les années quatre-vingt, atteignant 334,5 milliards de tonnes-kilomètres (t·km, unité de mesure de quantité de transport correspondant au transport d’une tonne sur un kilomètre) en 2021, le transport par le rail est passé de 80 milliards de t·km à 35,8 milliards, soit moins de 11 % du trafic total. Le transport router représente quant à lui 87 % du transport de marchandise.

Au contraire de cette descente aux enfers, la CGT porte le développement du fret ferroviaire, fluvial et maritime, dans une logique multimodale, et porte l’ambition de lui donner un caractère de service public au regard du développement humain durable et de la sécurité.

L’Union interfédérale des transports CGT propose d’ailleurs un objectif de 25 % de part modale pour le ferroviaire à horizon 2050 opéré par la SNCF. Pour l’atteindre, une première étape serait la réintégration de l’activité publique de transport ferroviaire de marchandises de la SNCF au sein d’une entité qui rassemblerait l’activité voyageurs et l’activité marchandises.

Le fret ferroviaire, le moyen de transport de masse le moins polluant

Le transport de marchandises par le rail est pourtant une des clés pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre (GES). C’est le mode de transport le moins polluant, et ce pour plusieurs raisons :

  • la masse transportée (un train de fret transporte en moyenne l’équivalent de 40 à 50 camions) ;
  • le contact fer-fer (entre la roue et le rail) limite énormément les frottements. Il faut donc 
beaucoup moins d’énergie pour mettre en mouvement ces masses de marchandises 
que pour la route ;
  • une grande partie des couloirs de fret ferré sont électrifiés, permettant un mode de 
traction très bas carbone, en particulier en France, où l’électricité est majoritairement décarbonée.

Les coûts externes engendrés par les différents types de transports peuvent ainsi être estimés, comme le montre le schéma suivant :

 

Comparaison des coûts externes des différents types de transport de fret. Le ferroviaire est ainsi 4 fois moins coûteux que le routier sur ces coûts.

Repenser la logistique

Le soutien du transport de marchandises par le rail passe nécessairement par une réflexion sur l’organisation de la logistique, et ce sur plusieurs niveaux.

Au niveau de la production, la politique du « zéro stock » (le stockage étant considéré comme trop coûteux) implique un travail en flux tendu et donc des vecteurs logistiques flexibles et efficaces. Cette organisation doit être repensée.

C’est également le cas pour la distribution, en particulier ce qu’on appelle le « dernier kilomètre ». Il est bien sûr impossible de raccorder chaque habitation ou entreprise au réseau ferré, mais il est possible d’y relier les énormes bases logistiques des différents transporteurs qui ceinturent les agglomérations et qui sont aujourd’hui approvisionnées par camions.

Il faut également réfléchir à la réintroduction de zones logistiques à l’intérieur des villes, par exemple par l’utilisation de tram-fret ou la mise à profit d’anciens terrains de la SCNF qui servaient notamment pour les activités de messageries. Malheureusement ces derniers sont revendus les uns après les autres, du fait de l’explosion du coût de l’immobilier dans les centres urbains.


Pour une politique des transports offensive

Compte tenu des infrastructures actuelles et des sous-investissements dans le ferroviaire, le rail n’est pas en mesure de rivaliser avec la route. Développer la part modale du ferroviaire et réduire l’impact du transport dans l’émission de GES nécessite donc d’agir :

  • pour développer l’emploi cheminot (plus de 10 000 emplois ont été suppri
més chez Fret SNCF depuis l’ouverture à la concurrence du transport de marchandises par le fer en 2006) ainsi que la formation induite par la technicité de certains métiers ;
  • pour réunifier le corps social cheminot ;
  • pour des augmentations de salaires afin de payer au prix juste le travail et 
fidéliser les cheminot·es au sein de la SNCF ;
  • pour mettre en place une fiscalité environnementale favorisant le report 
modal de la route vers le rail.

Une véritable révolution doit être engagée pour développer Fret SNCF. Salarié·es, élu·es politiques et associations d’usager·es doivent se mobiliser pour la réouverture des gares fret et des triages, pour relancer la technique du wagon isolé et pour définir un schéma d’accès au transport ferroviaire qui garantisse pour chaque département la proximité avec un triage, un terminal de transport combiné et un corridor fret.

Une politique industrielle répondant aux enjeux de relance de services publics est également nécessaire : il faut développer des filières industrielles pour la construction, la déconstruction et le recyclage des matériels roulants ferroviaires et routiers ainsi que des navires maritimes et fluviaux, ce qui suppose un développement de l’innovation, de la recherche et développement.

En ce sens, la CGT exige du gouvernement d’imposer le maintien de la fabrication du matériel roulant sur le territoire national : l’activité de l’entreprise Valdunes, fournisseur historique de SNCF, pour les roues et essieux, doit donc perdurer en tant que maillon vital d’une transition industrielle verte.

Enfin, la présence des représentant·es des salarié·es et des usager·es doit être renforcée à tous les niveaux de concertations où s’élaborent et se mettent en œuvre les politiques, afin d’élaborer de nouvelles propositions répondant aux divers besoins de transport multimodaux et de l’intermodalité.

Pour aller plus loin, télécharger la note « Défendre et développer le transport de marchandises par le rail »

 

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